Changement social, pauvreté et exclusion sociale: quelles spécifìcités, quelles politiques en milieu rural ?

Abstract

Poser la question des politiques sociales - et d'un certain constat d'échec quant à leur effectivité dans la lutte contre l'accroissement des inégalités sociales et la montée des nouvelles pauvretés et exclusions sociales dans les sociétés postindustrielles, en particulier en Europe - oblige à s'interroger sur le système de concepts sur lesquels ces politiques reposent, concepts qui, le plus souvent, ont été bâtis sur les dispositifs statistiques et d'observation de la période de l'après deuxième guerre mondiale, ceci des deux côtés du mur. Les problématiques dominant ces politiques ont été la lutte contre la reproduction des inégalités sociales (de classe) par la formation (et donc l'accès à l'emploi) et par la production de logements dits d'habitat social sans chercher à produire de nouvelles connaissances non seulement de l'évolution du phénomène de pauvreté et d'exclusion sociale mais surtout de ses liens avec les autres aspects du changement social et des idéologies politiques comme le rapport avec la mondialisation voire avec la nouvelle utopie politique du développement durable censée concilier la dimension sociale - qui nous concerne - avec celles économiques et écologiques dans une éthique du long terme. Notre hypothèse - dont certains aspects ont été élaborés dès les années 80 et d'autres sont relativement récents - est que la faiblesse de ces politiques sociales tient à l'ignorance (la sous-estimation) de trois dimensions cognitives pourtant essentielles : le territoire et son rôle dans l'exclusion/intégration sociale d'où le recours à la catégorie de rural et de territoire rural pour en démontrer la pertinence ; l'identification des jeunes « en difficulté » au sein des jeunes ruraux parce qu'ils renvoient aux nouvelles configurations de la pauvreté et à ses relations concrètes non seulement avec le milieu familial mais aussi avec les changements de l'« économie rurale » du lien social local ; enfin la question de l'évaluation des politiques en direction des jeunes ruraux en difficulté qui a donné lieu à une recherche européenne menée dans cinq pays de l'UE. Au-delà des spécificités mises en évidence, c'est la question du manque de connaissance des populations en difficulté - des jeunes en particulier - qui ne sont pas identifiées sur des territoires et dans les lieux de vie, et dont l'évolution n'est pas connue qui nous paraît essentielle pour repenser les politiques sociales à l'échelle européenne et pour sortir des schémas « alocalisés » dont l'effectivité est plus que mise en doute.Raising the question of social policies - and a certain acknowledgment of failure regarding their effectiveness in the fight against the increase of social inequalities and the rise of new forms of poverty and social exclusion in post-industrial societies, particularly in Europe - compels us to examine the system of concepts on which these policies are based, concepts that have most often been built on statistical and observation mechanisms from the post-World War II period, on both sides of the wall. The issues dominating these policies have been the fight against the reproduction of social (class) inequalities through education (and thus access to employment) and through the production of so-called social housing, without seeking to produce new knowledge not only about the evolution of poverty and social exclusion phenomena but especially about their links with other aspects of social change and political ideologies, such as the relationship with globalization or even with the new political utopia of sustainable development meant to reconcile the social dimension - which concerns us - with economic and ecological ones within a long-term ethics. Our hypothesis - certain aspects of which were developed as early as the 1980s while others are relatively recent - is that the weakness of these social policies stems from ignorance (underestimation) of three essential cognitive dimensions: territory and its role in social exclusion/integration, hence the recourse to the category of rural and rural territory to demonstrate its relevance; the identification of young people "in difficulty" among rural youth because they reflect the new configurations of poverty and its concrete relations not only with the family environment but also with changes in the "rural economy" of local social bonds; finally, the question of evaluating policies targeting rural youth in difficulty, which gave rise to European research conducted in five EU countries. Beyond the specificities highlighted, it is the question of the lack of knowledge about populations in difficulty - young people in particular - who are not identified in territories and living spaces, and whose evolution is not known, that seems essential to us for rethinking social policies at the European scale and for moving away from "alocalized" schemes whose effectiveness is more than questionable.